lundi 25 février 2008

Petit Jeu... avec Jacques Prévert

Jacques Prévert est plus connu comme poète que comme chroniqueur.
Ce souvenir en prose ne manque pas de poésie.

La boutique d’Adrienne
Les amis des livres

Une boutique, un petit magasin, une baraque foraine, un temple, un igloo, les coulisses d’un théâtre, un musée de cire et de rêves, un salon de lecture et parfois une librairie toute simple avec des livres à vendre ou à louer et à rendre et des clients, les amis des livres, venus pour les feuilleter, les acheter, les emporter. Et les lire.
Depuis longtemps déjà, les littérateurs, ou tout au moins beaucoup d’entre eux, parlent avec mépris de la « littérature », et le mot littérature dans leur vocabulaire a bien mauvaise tournure.

Les films et la danse ou le récit des songes et tant de choses encore, dont la littérature, passent à la casserole du jugement péremptoire, savant et méprisant : Tout ça, c’est de la littérature !
Les peintres, les bons et les mauvais, les grands et les petits et les vrais et les faux, les vivants et les morts ne disaient jamais et ne disent pas non plus aujourd’hui du mal de la peinture. De même le jardinier devant un jardin insensé, un jardin ni fait ni à faire, un insolite et mystérieux parterre de lierre et d’orties, ne dit pas : Tout ça, c’est de l’horticulture !
Adrienne Monnier était comme ce jardinier, et dans la serre de la rue de l’Odéon où s’épanouissaient, s’échangeaient, se dispersaient ou se fanaient les idées en toute liberté, en toute hostilité, en toute promiscuité, en toute complexité, souriante, émue et véhémente, elle parlait de ce qu’elle aimait : la littérature.
Et c’est pour cela que, traversant la rue de l’Odéon, beaucoup entraient comme chez eux, chez elle, chez les livres.
Chez elle, c’était aussi un hall de gare, une salle d’attente et de départ où se croisaient de très singuliers voyageurs, gens de très loin et gens d’ici, gens de par là et gens d’ailleurs, Gens de Dublin (a) et de Vulturne (b), gens de la Grande Garabagne (c) et de Sodome et de Gomorrhe (d), gens des Vertes Collines (e), venant le plus simplement du monde le plus compliqué passer avec Adrienne une Nuit au Luxembourg (f) , une Soirée avec monsieur Teste (g) , une Saison en Enfer (h) , quelques Minutes de Sable Mémorial (i) .
Et l’Ange du Bizarre (j) se promenait avec Moll Flanders (k) dans les Caves du Vatican (l), sous le pont Mirabeau (m) coulait la Seine le long des berges de l’Odéon, le Ciel et l’Enfer (n) se mariaient, les Pas Perdus (o) se recherchaient dans les Champs Magnétiques(p) et il y avait de la musique. On pouvait entendre en sourdine Cinq Grandes Odes (q) patriotiques magnifiquement couvertes par le refrain du Décervelage (r) et la Chanson du Mal Aimé (s) et les chants terribles et beaux d’un enfant de Montevideo (t).
Et les Belles-Lettres ronronnaient mais, même si vous les caressiez à rebrousse-poil, Adrienne Monnier laissait faire et quelquefois même vous aidait.
Parfois de très jeunes gens, furtifs et effacés, en feuilletant les livres, prêtaient machinalement l’oreille, amusés.
Des noms étranges surgissaient des plus simples phrases, comme les mots de passe d’une très singulière société secrète : Fogar (1), Smerdiakow (2), Barnabooth (3), Lafcadio (4), Benito Cereno (5), Nostromo (6), Charlus (7), Moravagine (8), Anabase (9), Fantomas (10), Bubu de Montparnasse (11), Eupalinos (12)…
Et puis les jeunes gens s’en allaient, emportant avec eux, sous le manteau, les beaux marrons du feu de la conversation, des livres non coupés, exemplaires et numérotés. Modestes et anonymes représentants du commerce des idées, des idées à revendre pas très loin sur les quais.
Et puis la nuit tombait.
Adrienne, avant de fermer boutique, toute seule avec ses livres, comme on sourit aux anges, leur souriait. Les livres, comme de bons diables, lui rendaient son sourire. Elle gardait ce sourire et s’en allait. Et ce sourire éclairait toute la rue, la rue de l’Odéon, la rue d’Adrienne Monnier.

Jacques PREVERT
4 Février 1900 à Neuilly sur Seine – 11 Avril 1977 à Omonville-la-Petite
Venu du surréalisme, il en a appliqué la leçon corrosive à une entreprise systématique de démantèlement du langage, qui fait éclater le caractère conventionnel et dérisoire du discours bourgeois. Fidèle à la tradition anarchisante du début du siècle, son non-conformisme exhale une permanente révolte du cœur bien plus qu’il ne se montre disposé à célébrer l’espoir, jugé illusoire, de la révolution. Hostile à toutes les forces d’oppression sociale, capable d’ironie et de violence mais aussi de grâce et de tendresse, sa poésie célèbre, à l’usage d’un très large public, les thèmes de la liberté, de la justice et du bonheur. Elle a porté à son plus haut point d’efficacité burlesque la technique de l’énumération et de l’inventaire. On la retrouve dans les scénarios et dialogues que Prévert a composés pour quelques-uns des plus grands films de Marcel Carné.
Principaux recueils : Paroles (1946), Histoires (1946), Spectacle (1951), La Pluie et le beau temps (1955), Fatras (1965). (Robert)
Pour les petites lettres de l'aphabet, il faut trouver le nom de l'auteur.
Exemple : Pour le (a) Les Gens de Dublin, l'auteur est James Joyce.
Pour les chiffres, ce sont des personnages ou des lieux de livres, il faut aussi trouver le nom de l'auteur.
Les réponses vous seront données un peu plus tard, histoire de vous laisser le temps de chercher !!!
Le lundi, c'est le jour des petits trucs à savoirs... ou alors:
Un petit jeu à proposer à vos lecteurs... ou autres !!!
Le jeu est ouvert à tous, bibliothécaires ou non !!!

1 commentaire:

P a dit…

Alors, en route pour les "incipits"
maintenant
PP