Février entre tous les mois
Le plus court et le moins courtois...
Février avait pour nom Spurkel au temps des Gaulois. De tous temps, il fut le mois des purifications. On y rencontre Mardi-Gras et la Chandeleur dont les cierges éloignent l’orage, la mort, les mauvais sorts en tous genres et les démons de la nuit ; spécialement la nuit de Carnaval durant laquelle diables et morts masqués se mêlent aux vivants.
Dans le ciel de Février passent les chasses maudites et c’est le mois idéal pour rencontrer bêtes faramines et loups-garous.De même que la fête de Noël a remplacé le culte de Mithra, la Chandeleur s’est substituée aux Lupercales dédiées à Faunus Lupercus, dieu de la fécondité et gardien des troupeaux. Un dieu-loup gardien des troupeaux ? Et pourquoi pas ? La mauvaise réputation du loup est grandement usurpée. Cependant, il y a un peu de sa faute….
La faute du Loup
Un Homme avait un domaine ; nuit et jour, saison après saison, il en prenait grand soin.
Il veillait à ce que chaque plante, chaque animal ait à sa suffisance et tout poussait et vivait là en parfaite harmonie. L’Homme avait choisi pour établir son domaine une contrée au climat privilégié ; le jour, le soleil faisait mûrir les récoltes et la nuit, quelques averses arrosaient semailles et plantations. L’eau des rivières était pure, on pouvait y boire à sa soif, s’y baigner quand il faisait chaud en compagnie de poissons heureux.
L’Homme un jour dans son domaine, introduisit un Loup et lui dit :
-« Ce domaine est le tien ; tu peux en user à ta guise. Ici, chaque soir, tu trouveras ta nourriture, et pour boire les mares et les ruisseaux ne manquent pas. Tu peux aussi, parmi les faons et les chevreuils prélever les plus faibles, ceux qui ne survivraient pas au prochain hiver. Mais tu ne dois jamais, tu m’entends bien jamais, touchet à ce troupeau que tu vois là, dans le champ, près de la maison. C’est la seule chose qui te soit interdite, et je n’aimerais pas que tu désobéisses ! »-
Le Loup, pendant tout un printemps explora les champs et la forêt, les collines et les vallons ; l’été passa tranquille, puis vint l’automne aux pistes odorantes. Rarement, il goûta au gibier ; et pourquoi l’aurait-il fait ? il avait bien assez avec ce que l’Homme lui donnait. De moins en moins il s’éloignait de sa demeure où il apprécia l’hiver, de se chauffer devant le feu et jouer avec les enfants.
Le Loup semblait heureux, pourtant, quand le printemps revint, l’homme s’aperçut qu’il manquait d’entrain : son pelage restait terne, il ne bondissait plus joyeusement pour rapporter les objets qu’on lui lançait. L’Homme examina soigneusement son compagnon et comme il ne put déceler aucune maladie, il dut se rendre à l’évidence : le Loup s’ennuyait !
-« Bien, fit l’Homme, ce n’est pas grave ; nous allons arranger ça ! »-
Il s’absenta quelque temps et revint avec sur ses talons une jeune Louve au poil soyeux, aux grands yeux verts, aux crocs d’ivoire , aux pattes armées de longue griffes luisantes.
-« Loup, voilà ta compagne, dit l’Homme. Fais lui visiter le domaine, explique-lui que tout est permis, mais que jamais, au grand jamais, ni elle ni toi ne devez toucher à ce troupeau que tu vois là, dans le champ, près de la maison. »-
Le Loup emmena sa Louve faire le tour du domaine, et puis un jour, ils revinrent dans la cour de la maison où ils s’installèrent dans l’intention de garder et protéger les lieux, voir prévenir en cas d’intrusion. Comme il ne passait personne, ils avaient out le temps de courir après les chats, jouant à les faire grimper aux arbres. Ils faisaient aussi de longues parties avec les enfants de l’homme. Enfin, le Loup surtout, car la Louve préférait se promener aux alentours.
Un jour qu’en lisière de forêt elle longeait le champ où broutait le troupeau, elle vit glissant d’un arbre, une curieuse et longue créature qui se balançait, semblait tomber, se rattrapait par la queue en d’étranges contorsions annelées. La créature avait aussi de grands yeux verts qui fascinaient la Louve autant que la bizarre langue fourchue qu’elle dardait en sifflant dans sa direction.
La Louve s’arrêta, la queue tendue, une patte avant repliée.
-« Bonjour, siffla la créature, tu es la nouvelle Louve ? Moi, je suis le Serpent ! »-
-« Bonjour ! »- répondit la Louve, interdite devant cette bête étrange qu’elle voyait pour la première fois.
Le Serpent continuait à se balancer et à se tortiller :
-« Comment trouves-tu le Domaine ? Magnifique, n’est-ce pas ? »-
La Louve à qui les contorsions du Serpent donnaient un peu le tournis, ne sut qu’approuver :
-« Oh, oui ! Magnifique ; rien ne manque ici ! L’Homme est si généreux ! »-
-« Rien ne vous manque…le Serpent était sarcastique- Ne le crois-tu pas au contraire quelque peu égoïste ? »-
-« Egoïste, dis-tu ? Mais en quoi ? »-
-« Eh bien, regarde dans ce champ – et il se balança dans la direction- regarde ce joli troupeau qu’il garde pour lui seul et que vous autres Loups ne devez pas toucher ! »-
La Louve regarda le champ, remua doucement la queue :
-« Oh, ça ne fait rien, nous avons tout ce qu’il nous faut ; nous n’avons pas besoin de ces bêtes. »-
-« Besoin…non ! Mais… c’est dommage ! »-
-« Qu’est-ce qui est dommage ? »-
-« De ne jamais connaître la saveur délicate d’un jeune agneau de printemps. »-
-« Mais nous avons les faons, les chevreuils… »-
-« Oui ! Mais c’est du gibier ; c’est très bon, mais jamais aussi tendre qu’un agneau nourri d’herbe grasse. »-
-« Ah ! Et comment le sais-tu ? »-
-« Je le sais… Voilà ! »-
La Louve, irritée par le ton persifleur de Serpent, lui tourna le dos, retourna dans la cour où elle se roula au soleil sans plus penser à cette rencontre. Malheureusement, elle aimait trop se promener pour rester longtemps à la maison, ce qui fait qu’à plusieurs reprises elle rencontra le Serpent qui chaque fois lui tenait le même discours. Un jour, elle en parla au Loup ; comme il n’avait aucune envie d’avoir des ennuis avec l’Homme, il lui recommanda très sévèrement de ne plus parler au Serpent. Plus facile à dire qu’à faire ; la Louve le trouvait toujours sur son chemin et elles avait horreur d’être impolie !
Un jour, l’Homme était parti inspecter les confins du Domaine, le Loup dormait dans la cour, la Louve sortit pour faire un petit tour ; elle n’alla pas bien loin sans rencontrer le Serpent. Qui remit sur le tapis l’histoire des moutons et de l’égoïsme de l’Homme :
-« Et pourquoi n’aurais-tu pas droit toi aussi à un agneau ? Regarde le petit là-bas… il est faible, il ne passera pas l’hiver. L’Homme vous a permis de manger ceux-là. »-
-« Oui, mais pas ceux de ce troupeau ! »-
-« L’Homme est loin… il a tant d’agneaux ! Comment verra-t-il qu’il en manque un ? »-
Depuis des semaines, la Louve s’efforçait de ne pas écouter le Serpent, mais cette fois la tentation fut trop forte ; elle sauta dans le champ et en trois bonds attrapa l’agneau qu’elle tua d’un seul coup de dents, puis elle l’emmena sous un buisson et quand, les yeux clos de plaisir elle en eut savouré la moitié, elle eut envie de partager le festin avec son compagnon. Elle courut le chercher et le ramena dans sa cachette. Le Loup, horrifié, commença par pousser les hauts cris et refusa tout net de toucher au larcin. Mais la gourmandise sait troubler les plus hautes vertus et puis, manger l’agneau n’était-il pas la meilleure façon de faire disparaître les preuves du délit ?
Le forfait accompli, les deux complices rentrèrent à la maison ; ils la trouvèrent bien différente : les enfants criaient trop fort, les chats avaient le regard fuyant, même le soleil n’était plus aussi chaud. Ils ne se sentaient bien nulle part ; et quand l’Homme revint, au lieu de s’élancer vers lui joyeusement, ils rampèrent la queue entre les pattes. D’abord intrigué, l’Homme ne mit pas longtemps à comprendre ; contrairement au Serpent il savait compter et comme il lui manquait un agneau, l’attitude des loups en disait long sur ce qui avait pu lui arriver.
Déçu, furieux, il se tourna vers les coupables :
-« Pourquoi avoir désobéi ? Pourquoi m’avoir trompé ? Vous aviez tout ce que vous vouliez… Pourquoi ? »-
Le Loup tourna le museau vers sa compagne
–« C’est elle qui…marmonna-t-il. »-
La Louve regarda vers le Serpent, qui se balançait autour d’une branche :
-« C’est lui qui… gémit-elle. »-
-« Je ne veux pas le savoir, tonna l’Homme, vous étiez prévenus ! Vous ne deviez pas toucher au troupeau ! Plus tard, vous en seriez devenus les gardiens. Je ne veux plus vous voir ; vous allez filer loin d’ici ! Pour votre peine vous aurez froid, vous aurez faim, le gibier sera rare. Partout où vous irez, on vous pourchassera ; on vous interdira d’approcher des maisons, vous ferez peur aux petits enfants et jusqu’à la fin des temps on racontera des horreurs sur votre compte ! »-
Le couple s’en fut la queue basse. Depuis, par les nuits sans lune, le loup hurle son désespoir d’être banni pour toujours de la maison des hommes.
Pomme Papion
Le samedi, cela vous dit un joli conte ?!
samedi 2 février 2008
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